Tristan et Isolde la discographie

Hier je me suis "amuser" à faire des écoutes comparatives des différentes versions de Tristan.
Et j'ai été très surpris car la version de Karajan (1952) à Bayreuth, domine largement pour moi la discographie. Devant Furtwangler (emi) et Bohm (dg). Enfin en quatrième Carlos Kleiber.
Toute ces versions sont excellentes mais la différence se fait surtout sur le personnage d' Isolde bien sur. Nilsson eest trés trés bonne mais Modl avec se son un peu réverbérer du Bayreuth de 1952 c'est à mon sens insurpassable. Flagstad et Nilsson sont vraiment à des sommets de qualités mais je trouve qu'ils leur manque cette dose d'émotion que je ressens chez Modl. Elle arrive à me tirer des larmes ! Ce qui est une prouesse chez moi !
Je suis déçu par Kleiber, bien sur la direction est magnifique, mais c'est M.Price qui pèche un peu ici. Le studio et ses artifices ne peuvent masquer ses limites vocales et sa capacité à toucher l'auditeur.

J'attend l'avis des quelques Wagneriens du forums, pour un petit débat qui se promet interessant !

Les non-wagneriens sont bien sur inviter à participer ! Car tout le monde à son petit avis sur Tristan...

Je dirai quelques mots plus tard.

Bon, je vire toute objectivité. Ceci est ma seule critique. A bon entendeur...


D'abord, je ne suis pas trop d'accord sur l'idée que tu sous-tends, comme quoi le caractère de l'opéra tient essentiellement à Isolde. L'Acte 3, pour la majeure partie, c'est Tristan, quasi-seul. La fin de l'Acte 1, c'est le choc des deux personnages. L'Acte 2, c'est l'union, la symbiose, l'idylle, la dialectique de l'amour, tout ce qu'on peut imaginer, mais sur deux personnages. Pour moi, l'équilibre est important.
Enfin, il y a l'orchestre, qui se doit d'être présent. Dans certaines visions, il doit être surprésenté (genre Karajan 2, ou Kleiber), dans d'autres, il ne doit qu'accompagner, soutenir, avoir son rôle sans laisser les chanteurs en arrière-plan.


Maintenant, pour chaque version :



1) Karajan 52 a des défauts, indiscutables. L'orchestre, les solistes, ne sont à aucun moment exempts de reproches même élémentaires.
Le truc... c'est que j'en ai rien à cirer, ou presque !
Mödl arrache de son timbre le personnage d'Isolde, flamboie à l'Acte 1, se consume de passion à l'Acte 2, meurt sur scène à l'Acte 3. Bref, elle ne joue pas Isolde, elle EST Isolde.
Vinay, avec encore moins de technique (déjà là, c'en est presque extraordinaire !), un souffle court, une tendance à l'exaltation démesurée, se contient avec malaise pendant l'Acte 1... puis tout se déchire à la fin de l'Acte : il se déchaîne, met sa tessiture en miettes, crie sa passion ou son désespoir. Le lyrisme n'y est pas, mais un personnage est là, encore. L'Acte 3 est hallucinant, chaotique, et Vinay saigne sang et tripes. Bref, il ne chante pas Tristan (il ne peut pas, c'est simple !), il EST Tristan.
Karajan soutient le tout, les accompagnateurs ne font qu'accompagner (et pourtant, ce sont Hotter et Malaniuk, pas les derniers venus). Pour moi, c'est bien "Tristan et Isolde", loin de tout maniérisme, loin de tout hédonisme.
Amateurs de beau chant, au revoir.


2) Furt 52... pas pareil. L'orchestre prend le pas sur le reste. Furt mène la barque, Flagstad monte dedans, Suthaus suit, les autres rament plus ou moins bien. C'est incontestablement sonore, parfois magnifique, on sent que le chef - qui connaît l'oeuvre par coeur - voudrait se lâcher.
Le problème est que les deux rôles titres sont tenus par des vétérans, qui auraient plutôt tendance à s'écouter chanter. En un sens, c'est mieux que Mödl et Vinay (en tout cas techniquement et musicalement), mais ça pourrait s'appeler "Alphonsine et Marcel" que ça ne changerait rien...
Ce détail caustique mis à part, cela reste malgré tout une très très bonne version, dans un beau son, et surtout une référence à laquelle tous les autres enregistrements se sont mesurés.

3) Böhm 66 vaut pour l'orchestre, clair et net, sans fioriture. Après Furt, avant Kleiber et Karajan 2, on en vient à se demander si c'est la même partition !
Pour les solistes, on a un ensemble d'une qualité très homogène. Nilsson, à partir du moment où on ne la porte pas au pinacle, est finalement à sa place dans le rôle. On se demande parfois ce qu'elle chante, mais ce défaut (habituel) est compensé par son partenaire Windgassen. Lui est vocalement fatigué, mais son engagement fait que le couple, improbable, finit par passionner. Et, là encore, l'expérience des deux solistes fait beaucoup : on sent des rôles maîtrisés, ce qui fait qu'il n'y a pas de baisse de tension, que tout est à sa place (connaissant Böhm, valait mieux...). Les malédictions de Nilsson impressionnent, on parvient même, ici et là, à deviner une émotion dignement contenue (ou qu'elle est incapable de sortir ?), tandis que Wolfgang, qui s'abandonne à l'Acte 2, soutenu par la voix de sa partenaire, se morfond dans un vrai désespoir blessé à l'Acte 3.

Encore une fois, c'est une version que l'on pourrait critiquer sur des détails, à juste titre (le choix de Moll en Marke, la comparaison Ludwig/Nilsson, pas vraiment à l'avantage de la dernière), mais cela reste une valeur très très sûre.

4) Kleiber studio... Alors là, c'est autre chose, même si je sais l'affection que portent pas mal de personnes à cette version...
L'orchestre est magnifique. Kleiber joue la totale, profite du studio pour sortir une vraie démonstration d'orchestre. C'est à mes yeux encore mieux que Karajan 2.
Les solistes...
Price est plaisante à écouter. Et c'est tout. Le pire, c'est que je n'ai su qu'après coup qu'elle avait été mise sur échasses par les micros, sinon qu'est-ce que ça aurait été ! Un personnage est vaguement ébauché, indiscutablement l'oreille peut être séduite, mais si ça c'est Isolde, c'est la version pour les moins de 16 ans.
Kollo n'a pas ce problème, théoriquement, ayant déjà pris le rôle sur scène. De plus, il est normalement encore suffisamment jeune pour ne pas manquer de moyens. Mais le résultat est pour le moins ennuyeux, avec des faiblesses encore plus insignes que Windgassen, peu de la dignité de Suthaus, et rien de l'allant suicidaire de Vinay. On devine un Tristan torturé, et on sent bien les efforts de Kollo pour le faire sortir - il ne s'en donnera pas toujours la peine à l'avenir - mais bon, c'est presque mal venu dans la battue toute de splendeur de Kleiber. A l'Acte 3, on a pitié, mais on se fatigue. Price chante très bien la Transfiguration. Et voilà, rideau. Un bien bel orchestre que tout cela... quoi, je l'ai déjà dit ?

L'entourage est de qualité (Fassbaender surtout), mais le titre est "Tristan et Isolde"...



Bref, avec toute la subjectivité de mon émotion propre, mon classement serait :
1) Karajan 52
2) Bôhm 66
3) Furt 52
4) Kleiber (je ne sais plus quelle année)

Personnellement j'ai du mal à donner une préférence, mais la version la plus magique pour moi est quand même celle de Karajan, même pour la direction que beaucoup contestent, au total ça doit être celle que j'écoute le plus... On est quand même dans la grande période de fécondité artistique du chef (et ses Mozart de la même époque...), tout ce qu'il faisait à cette époque était quasiment miraculeux.

Nikers a écrit:

Personnellement j'ai du mal à donner une préférence, mais la version la plus magique pour moi est quand même celle de Karajan, même pour la direction que beaucoup contestent, au total ça doit être celle que j'écoute le plus... On est quand même dans la grande période de fécondité artistique du chef (et ses Mozart de la même époque...), tout ce qu'il faisait à cette époque était quasiment miraculeux.

Le Karajan avec Mödl et Vinay, ou celui avec Vickers et Dernesch ?

Je viens de ré-écouter le Tristan de 52 par Karajan, vraiment bouleversant !
En plus, j'ai beaucoup de chance, c'est mon premier et dernier enregistrement de l'oeuvre. J'ai emprunter les autres mais aucuns ne m'a convaincus.
Sp, j'avais t'as critique en tete, c'est tellement ça !

Je vais pas refaire le débat...

Mais juste, puisqu'elle n'a pas été citée: écoutez la version Bernstein.

SP a écrit:

Nikers a écrit:

Personnellement j'ai du mal à donner une préférence, mais la version la plus magique pour moi est quand même celle de Karajan, même pour la direction que beaucoup contestent, au total ça doit être celle que j'écoute le plus... On est quand même dans la grande période de fécondité artistique du chef (et ses Mozart de la même époque...), tout ce qu'il faisait à cette époque était quasiment miraculeux.

Le Karajan avec Mödl et Vinay, ou celui avec Vickers et Dernesch ?

Celui de Mödl et Vinay: climat complètement onirique, il suffit d'écouter le duo d'amour magique de la scène 2 de l'acte 2 (O sink hernieder, Nach der Lieber) pour s'en convaincre ; pour moi c'est indépassable!
(j'ai l'édition golden melodram c'est la plage 1 du CD 3)

J'aime beaucoup également le roi Marke de Weber.

Nikers a écrit:

SP a écrit:

Nikers a écrit:

Personnellement j'ai du mal à donner une préférence, mais la version la plus magique pour moi est quand même celle de Karajan, même pour la direction que beaucoup contestent, au total ça doit être celle que j'écoute le plus... On est quand même dans la grande période de fécondité artistique du chef (et ses Mozart de la même époque...), tout ce qu'il faisait à cette époque était quasiment miraculeux.

Le Karajan avec Mödl et Vinay, ou celui avec Vickers et Dernesch ?

Celui de Mödl et Vinay: climat complètement onirique, il suffit d'écouter le duo d'amour magique de la scène 2 de l'acte 2 (O sink hernieder, Nach der Lieber) pour s'en convaincre ; pour moi c'est indépassable!

Ah oui le bruit sourd en continu, les tousseurs et les souffleurs, indépassables!

Il pourrait y avoir un marteau piqueur derriere ca changerait rien à la magie de ce disque qui est vraiment incroyable. D'ailleurs je l'écoute en pensant à toi !

karajan67 a écrit:

Il pourrait y avoir un marteau piqueur derriere ca changerait rien

T'es sûr qu'il n'y en a pas un?? On dirait vraiment pourtant!

D'où l'exploit encore plus grand de Mödl, qui s'impose en Isolde avec un marteau-piqueur, là où Price la singe avec ses batteries de micros.

A se demander si les studios modernes ne devraient pas s'y mettre !


(quant aux souffleurs, je me marre, il n'y a que toi qui les as jamais entendus, ou alors, comme par hasard, tu t'es chopé l'enregistrement le plus pourri possible)

SP a écrit:

(quant aux souffleurs, je me marre, il n'y a que toi qui les as jamais entendus, ou alors, comme par hasard, tu t'es chopé l'enregistrement le plus pourri possible)

Non, c'est connu qu'on les entend, et très distinctement, à un moment précis, CD 2, plage 12, 1'02. (édition Orfeo)

http://classik.forumactif.com/viewtopic.forum?t=47&postdays=0&postorder=asc&highlight=tristan&start=45

Bah version pourrie alors, car pour l'édition Myto Records que j'ai écoutée maintes et maintes fois, il n'y a rien de tel !

(j'avais vérifié la fois où j'avais lu ça sur ton forum)

SP a écrit:

Bah version pourrie alors

Tu exagères, Kleiber et Bernstein sont mieux certes m'enfin...

Non, blague à part, déjà qu'il faut s'y retrouver entre les différentes versions des différents chefs, les lives, studio... Si en plus pour une même version il faut LA bonne édition... Ca devient pénible.

Kleiber et Bernstein ??? Ah, pour leur "Tristan & Isolde : symphonie pour orchestre et (accessoirement) voix"...



Je veux bien croire que c'est pénible - et de toute façon impossible - de trier les versions de la même soirée, mais il ne faut pas alors s'étonner des contingences techniques d'un enregistrement à la base pirate (beaucoup plus rarement issu des archives de l'opéra).
Le pire restant quand même les enregistrements des soirées radio du Met, avec speaker, applaudissements à la moindre trille vocale, brouillard sonore capable d'ombrer toutes les voix - même Schorr, Maison ou Zimmermann, la classe mondiale de l'époque, dans le Rheingold de 1937.

SP a écrit:

Kleiber et Bernstein ??? Ah, pour leur "Tristan & Isolde : symphonie pour orchestre et (accessoirement) voix"...

Oui, Fassbaender, Moll, Fischer-Dieskau, Price, Behrens, Minton... n'ont pas de voix, c'est connu!

Xavier a écrit:

Oui, Fassbaender, Moll, Fischer-Dieskau, Price, Behrens, Minton... n'ont pas de voix, c'est connu!

Ce ne sont pas eux qui n'en ont pas. Ce sont les chefs qui ne veulent pas qu'ils en aient qui puissent gêner leur démonstration (qu'ils ont fort jolie d'ailleurs !).



* ne t'inquiète pas : niveau grotesquerie de la critique acerbe, j'ai autant d'artillerie que toi lorsque tu parles de la version 52, de Varnay, de Rysanek, et j'en passe *

Sp, Xavier connaissez-vous le live d'Orange avec Bohm, Vickers-Nilsson ? Comme j'ai moyen de pouvoir l'acquérir en cd... Mais bon j'ai entendus dire que le son était calamiteux !

Oui, c'est l'enregistrement légendaire pour son mistral hurlant.

Vickers y est un peu moins artificiel qu'avec Karajan (où il s'écoutait chanter tout du long, nasal à souhait surtout à l'acte 3), m'enfin ça n'est pas à mon avis une raison suffisante pour investir dedans - sauf si on aime la Provence, mais il manque les cigales.

Pro Kleiber et pour la défense de Price et Kollo,qui ne sont pas de chair et de sang mais "de l'étoffe dont se tissent les rêves": héros poétiques et transportés , sans format héroïque effectivement , mais faits poésie et musique.
Le disque parfait, qui récrée le théâtre par la musique pure. Et un grand salut à Fassbänder et Moll, fabuleux !

J'ai découvert un petit magasin qui vend plusieurs CD à des prix très bas.
Samedi dernier, j'y ai notamment vu un coffret du Tristan et Isolde de Karl Böhm/Bayreuth pour 45 CHF (donc moins de 30 €). J'ai failli le prendre tout de suite mais je ne me rappelais plus si c'était une version que vous aviez recommandée ici.
Dans le doute, et comme j'avais déjà acheté plusieurs autres CD, je ne l'ai pas pris (j'ai peut-être raté une bonne affaire).

Je rappelle que je ne connais pas encore cet opéra, à part le Liebestod que j'ai entendu sur le CD d'accompagnement de mon bouquin "L'opéra pour les nuls".
Si vous me confirmez que c'est une bonne version pour quelqu'un qui veut écouter cet opéra pour la première fois, je retournerai sans tarder à ce magasin (en espérant que le coffret n'est pas déjà parti).

C'est une bonne version, celà c'est sur ! Moi je preferre Karajan 1952 à Bayreuth, mais va sans crainte. Et puis si celà est ton premier Tristan, il est conseiller de debuter avec une version stereo.

Je l'ai réécoutée il y a peu. C'est indiscutablement une bonne version, avec Böhm tragique, sans excès inutilement hédoniste.
Le soucis est quand même que Windgassen est vraiment fatigué, surtout que son Isolde n'est pas Ligendza ou une autre de calibre inférieur, mais Nillson au fait de ses moyens et de sa maîtrise (relative) du rôle.

Hormis cette réserve, c'est très bon pour commencer, avec des chanteurs de bon niveau, sans parti-pris excessif ou exotique, et dans un son plus que valable.