Connaissant surtout le répertoire et les différentes interprétations de Wagner, je suis - de manière non originale, puisque n'importe quel critique sérieux en fait le constat - assez impressionné, dans le mauvais sens du terme, par la difficulté de plus en plus énorme qu'ont les productions à aligner une distribution ne serait-ce qu'adéquate.
Je prends la Tétralogie : généralement, on arrive encore à faire tenir l'Or du Rhin. Ca se complique avec la Walkyrie : on use d'un ténor lyrique pour Siegmund, on abrève le monologue de Wotan... et on se débrouille pour Brünnhilde. Et ça devient catastrophique à partir de Siegfried, le combat cessant faute de combattant pour le rôle titre, à tel point qu'on en finit par aplaudir le Crépuscule, forcément meilleur (et en plus, signal de la fin...).
Bien sûr, certaines oeuvres s'en sortent mieux que d'autres - Lohengrin, les Maîtres Chanteurs (si on n'est pas trop difficile pour Sachs), l'Or du Rhin à la limite - mais le reste devient vite, au mieux, quelque chose d'agréable uniquement si c'est la première fois qu'on entend du Wagner ; au pire, une expérience désastreuse.
Et force est de constater que les rôles cruciaux de certaines oeuvres deviennent quasiment indistribuables, ou limités à quelques noms qu'il devient difficile d'aligner ensembles et qui, comparés aux chanteurs des années 30 et 50, restent très en dessous niveau vocal.
La grande Isolde des dernières années, Waltraud Maier, est pétrie de qualités, mais elle est bien seule dans le paysage, et je n'échangerai pas un extrait audio de Mödl, Leider ou Flagstad contre une place à l'une de ses représentations. Et elle - avec Domingo qui a réussi une belle reconversion en fin de compte - c'est le top du top contemporain (tellement top d'ailleurs que Bayreuth, toujours à la pointe, a réussi à les rendre personna non grata...).
Bref, tout ça pour dire qu'à mon avis - et je le partage, à moins bien sûr que les désormais nombreuses versions enregistrées des temps "bénis" n'embellissent par trop les voix, ce qui m'étonnerait grandement - "c'était mieux avant", et que le niveau vocal des opéras wagnériens, et ce dès les années 70 et le Ring de Chéreau, est devenu pour le moins fadasse, avec des chanteurs qui, bien souvent, n'ont pas du tout les épaules pour leur rôle, à de trop rares exceptions près.
Du coup, on adapte, on "humanise" (ben voyons), bref, on essaie de trouver, à mon sens, des faux-semblants.
Ce qui m'amène alors, après ce déballage (désolé), à deux interrogations :
1) Est-ce que pour d'autres opéras, certains rôles seraient devenus, selon vous, hors de portée des chanteurs actuels ?
2) Quelles raisons pourraient être derrière ce déclin qui, comme je le disais plus haut, est assez couramment constaté sur la scène wagnérienne ?
Evidemment, on peut nier toute comparaison entre les années 20, 30, 40, 50 et notre époque, il n'empêche, pour quelles raisons les principaux chanteurs de ces temps reculés sont dans l'ensemble, et à tout point de vue, très supérieurs à ce que l'on peut trouver de nos jours ?