Un bon moyen pour découvrir un compositeur et orchestrateur de grand talent Luciano Berio.
Luciano Berio est né en 1925 à Oneglia en Italie. Issu d'une famille musicienne, il a eu son père pour premier professeur. Au conservatoire Verdi de Milan, il a étudié la composition avec Paribene et Ghedini, la direction d'orchestre avec Votto et Giulini. Il a subi l'influence de Dallapiccola, qui était son maître à Tanglewood (Etats-Unis). Certaines de ses premières oeuvres comme Nones (1954) sont d'inspiration sérielle.
En 1955, Luciano Berio fonde avec son ami Bruno Maderna le studio de phonologie de la R.A.I. (Radio-télévision italienne) à Milan. C'est l'époque vive des premières découvertes électroacoustiques ; il réalise Thema (Omaggio a Joyce), 1958. Berio s'affirme comme un pionnier, un explorateur. A partir de 1960, il donne des cours à Darmstadt, à Dartington, au Mill's College (Californie), à Harvard, à l'université Columbia. Il s'intéresse au rock et au folk, leur consacrant des essais et les mêlant dans le creuset de sa musique, laquelle est une musique libre, sans frontières. Berio a sondé, d'abord dans la clarté de l'intuition, puis prudemment, lucidement, des domaines originaux et longtemps oubliés de notre culture occidentale, en particulier celui de la voix.
Tout en enseignant la composition à la Juilliard School of Music de New York, Berio fait de nombreux voyages. Fulgurant, éclatant, limpide, baroque, fou de théâtre et de littérature, il dévore les écrivains (Joyce, Cummings, Sanguineti, Calvino, Levi-Strauss). Il libère une expression verbale souvent affective, spontanée, immédiatement descriptive : murmures, cris, souffles, pleurs, bruissements, onomatopées attachées à la vie corporelle. Il libère la respiration. Sa musique semble couler de source ; l'élégance de l'écriture en cache les complexités.
Circles (1960) ou encore la série des Séquences, pour instruments solistes, inventent, dans un jeu de manipulations et de métmorphoses, des formes nouvelles, et il en va de même de la série parallèle des Chemins. Voix ou instruments sont poussés à l'extrême limite de leur virtuosité, arrachés à leur tradition, élargis. Epifanie (1961) suit la même évolution : textes de poètes, écartelés, au bord du tragique. Harmoniste raffiné dans Folk Songs, Berio se montre un maître de la technique de la variation dans la série Chemins, où des commentaires variés à l'infini laissent apparaître des «collages». Passaggio (1962), Laborintus II (1965), Recital I (1972) sont des approches très personnelles du théâtre musical. Berio semble être imprégné de tout ce qui vit, pour le laisser réapparaître tôt ou tard. On rencontre dans Sinfonia (1968) l'amour de Mahler. Coro (1976) est sans doute l'un des sommets de son oeuvre, une anthologie de l'homme, de son aventure et de son paysage intérieurs. Les langues, les folklores, les styles y sont brassés avec violence et tendresse.
A la fin des années 70, Luciano Berio fait partie de la première équipe Ircam. Jusqu'en 1980, il assume le poste de responsable de la musique électroacoustique avant de créer un nouveau studio à Florence, Tempo reale, dont il est le directeur. Pendant les années 80, Berio réalise deux grands projets lyriques, La Vera storia (1982) et Un re in ascolto (1984), projets tous deux conçus sur un livret d'Italo Calvino. Le but de ces deux opéras n'est pas de raconter une histoire, mais plutôt d'examiner les façons musicales et dramatiques selon lesquelles les histoires peuvent être racontées.
Berio ne cesse de dialoguer avec l'histoire musicale : il fait des orchestrations de pièces de Mahler ou Brahms, reconstruit la 10e Symphonie de Schubert (Rendering) ou l'Orfeo de Monterverdi (Orpheo II), et fait des allusions stylistiques et des citations directes dans ses propres oeuvres, technique déjà manifeste dans la Sinfonia de 1968.