Né en 1866 dans une famille de musiciens, il débute jeune le piano qu’il travaille à Bâle avec Hans Huber, puis à Berlin au Conservatoire Stern avec Martin Krause, élève de Liszt qui fut également le professeur de Claudio Arrau. Sitôt ses études achevées, il est engagé comme professeur et rencontre à la même époque le compositeur et pianiste Eugène d’Albert, autre élève de Liszt, qui lui prodigue conseils et appui.
L’enseignement sera une passion pour lui. En 1930 il est le successeur d’Arthur Schnabel à la Hochschule de Berlin en 1930 puis ouvre à Lucerne en 1945 des cours auxquels il consacre l’essentiel de son temps. Ses élèves célèbres sont innombrables : Reine Gianoli, Paul Badura-Skoda, qui devient son assistant, Alfred Brendel….
Très intéressé par la direction d’orchestre, qu’il étudie avec Richard Strauss, il dirige le Musikverein de Lübeck (1926-1928) puis le Bachverein de Munich jusqu’en 1932, avant de fonder son propre orchestre de chambre. Il est ainsi le premier pianiste à renouer avec l’ancienne tradition de diriger l’orchestre depuis le clavier dans les concertos de Bach, Mozart ou Beethoven, qu’il est également parmi les premiers à jouer avec un orchestre de chambre. Mais cela ne l’empêche pas de diriger un large répertoire symphonique, de Haydn à Tchaïkovski en passant par Mozart ou Bruckner.
Très attiré par la musique de chambre, il fonde en 1942 un trio fameux avec le violoniste Georg Kulenkampff, remplacé en 1949 par Wolfgang Schneiderhan, et le violoncelliste Enrico Mainardi.
Son modèle restera toujours le mythique Ferruccio Busoni, qu’il n’entendra jamais mais dont les écrits l’inspirent fortement - ils prônent le retour à un “jeune classicisme”, une rigueur opposée aux excès chers au post-romantisme. Mais ce choix ne procède pas véritablement d’une démarche intellectuelle, au contraire d’un Schnabel, mais plutôt d’une recherche spirituelle de la vérité psychologique et humaine de l’œuvre. Les interprétations d’Edwin Fischer, vivantes, dramatiques et spontanées, quasi improvisées mais toujours respectueuses du texte, sont, selon Alfred Brendel, le reflet d’une personnalité mêlant une joie et un émerveillement presque enfantins devant la musique à la parfaite maîtrise de la forme d’un grand artiste.
On associe couramment Fischer aux compositeurs qu’il a le plus enregistrés : Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Brahms, des compositeurs qu’il a marqué de son style tout à la fois classique et fantasque. Mais ses goûts étaient en fait bien plus éclectiques et sa connaissance de la littérature pianistique très étendue : Debussy, Chopin, Hindemith, Stravinski, Scriabine faisaient aussi partie de son répertoire. Selon son élève Gerald Kingsley il était également capable de jouer au piano le Sacre du printemps en commençant de n’importe quel endroit, et Nikolaï Medtner le considérait comme l’un des meilleurs interprètes de sa Sonate en mi mineur.
Edwin Fischer nous quitta en 1960.